Une forêt comestible, ou un jardin-forêt, c’est une forêt où les arbres et les plantes produisent des feuilles, des racines, des fruits, des noix que l’on peut manger. En fait, un tel jardin-forêt mime ce qui fonctionne si bien dans les forêts naturelles, mais en adaptant les essences végétales de façon à pouvoir « manger la forêt ».
Pour la jardinière ou le jardinier, le principal intérêt, c’est qu’en plantant une seule fois des plantes pérennes, comme des arbres, on obtient une multitude de récoltes sur des dizaines d’années.
Jardiner une forêt est une pratique très ancienne, pratiquée par exemple dans la forêt Amazonienne ou chez les Pygmées en Afrique. Récemment, dans la deuxième moitié du XXᵉ siècle, certains maraîchers pionniers comme Robert Hart en Angleterre, ont essayé de développer des forêts jardinées en climat tempéré. Depuis, cette pratique se répand, notamment dans les fermes en permaculture.
En général, on met en place une forêt comestible dans un grand jardin, ou sur un terrain agricole, en visant une certaine autonomie alimentaire. Mais, ici, je vous propose de mimer la forêt à une échelle minuscule, sur votre balcon !
À cette échelle, il est déjà possible d’observer les principes écologiques majeurs, de produire quelques aliments bio, et d’en apprendre énormément sur la nature.
Voici une série de 4 articles, publiés entre janvier et avril 2023. Dans ce premier article, on met en place le jardin-forêt en mimant la nature. Dans le second, on plantera et on multipliera les plantes. Dans le troisième, on observera cette petite forêt se développer. Enfin, dans le quatrième, on explorera les multiples usages des plantes qu’on peut cultiver sur un balcon.
Le cycle du carbone : la clé de la fertilité
Dans une forêt naturelle, les branches mortes tombent sur le sol humide. Voilà une nourriture idéale pour les champignons ! Sous la forme de filaments blancs, ils colonisent et digèrent cette matière végétale riche en carbone, ce qui forme l’humus.
L’humus a la capacité de stocker des minéraux et de l’eau. Un sol riche en carbone, riche en humus, est donc un sol idéal pour la croissance des plantes, car c’est un stock de nutriments et d’eau.
Mais ce n’est pas tout !
Ces filaments de champignons sont eux-mêmes la nourriture d’une multitude d’insectes minuscules et de vers. Ces insectes et ces vers participent, eux aussi, à créer un sol riche et humide, en l’aérant et en offrant leurs excréments.
Un apport régulier de végétaux morts, sur un sol humide. Voilà deux éléments qu’on retrouve en forêt, et qui sont essentiels pour maintenir un écosystème bien vivant.
La lumière : la source d’énergie
Dans une forêt naturelle, les arbres sont proches les uns des autres, les grands arbres au-dessus des plus petits arbres, eux-mêmes au-dessus des buissons. Souvent, très peu de rayons de Soleil atteignent le sol !
Le Soleil est l’unique source d’énergie des végétaux, et la forêt remplit peu à peu chaque espace, jusqu’à réceptionner toute l’énergie disponible. Plus la forêt est organisée en strates, plus elle capte de lumière, plus elle produit de la matière végétale, des fruits, des feuilles, etc.
De plus, cette ombre dense maintient le sol humide. Les champignons se développent, et recyclent les matières végétales. Plus la forêt capte de lumière, plus le sol est frais, plus sa fertilité est reproduite par la vie des microorganismes du sol !
Une canopée dense. Voilà qui permet à la forêt de capter le plus possible d’énergie, et de maintenir son sol au frais.
La diversité : la clé de la résilience
Dans une forêt naturelle, de nombreuses espèces de plantes cohabitent.
Chaque espèce a une forme différente. Chaque espèce utilise des ressources différentes. Certaines espèces ont des racines profondes, d’autres des racines superficielles. Certaines espèces attirent des insectes pollinisateurs, d’autres repoussent des insectes gourmands.
Cette diversité biologique, cette biodiversité, permet une utilisation optimale des ressources du sol, de l’eau, de la lumière. Elle rend aussi la forêt plus résiliente, car, si une maladie se répand, elle n’affectera qu’une espèce d’arbre et sera bloquée par d’autres essences.
Une grande diversité. Voilà qui permet à la forêt de fonctionner de façon optimale et résiliente.
Les perturbations naturelles : une redynamisation perpétuelle
Dans une forêt naturelle, de nombreuses perturbations surviennent naturellement.
Une tempête met des arbres à terre, qui deviennent soudainement une nourriture pour les champignons. Un feu ouvre une clairière, où le Soleil frappe et dessèche le sol. Une famille de castors tronçonne des arbres. Une troupe de sangliers retourne le sol.
Bien plus qu’un lieu parfaitement équilibré, une forêt est le théâtre de cycles et de changements continuels. Chaque perturbation redessine les contours, réagence les strates, re-diversifie les espèces.
Des perturbations continuelles. Voilà un élément qui redynamise sans cesse l’écosystème forestier.
Et maintenant, comment reproduire ces 4 mécanismes sur notre petit balcon ?
Sur notre balcon, mimons la forêt !
Essayons de reproduire ces phénomènes à petite échelle : un cycle du carbone dynamique, une végétation dense et stratifiée, une diversité végétale, et des perturbations de temps à autre.
Une proposition de design
Je pense qu’une mini-forêt de balcon doit ressembler à la jardinière ou au jardinier qui en prend soin. Donc je ne donne pas ici une recette à appliquer dans tous les cas, mais plutôt un exemple de design, à réinventer dans chaque cas.
Par exemple, utilisons un bac rempli de terreau, de 20 cm de large, 60 cm de long, et 30 cm de haut. N’importe quelle terre peut être utilisée, mais lorsqu’on débute, il est plus facile d’acheter un riche terreau ou de récupérer de la bonne terre chez quelqu’un, pour limiter les échecs au démarrage !
Dans ce bac, plantons quelques légumes pérennes : un poireau perpétuel, une patate douce, du gingembre rustique, et un chou kale. Et ajoutons deux plantes annuelles faciles à cultiver : un plant de tomate cerise, et un plant de basilic.
Si vous faites déjà un compost, alors vous pouvez en ajouter régulièrement dans votre bac, pour alimenter le cycle du carbone. Si vous n’en avez pas, je vous propose d’aller droit au but : de même que les branches tombent directement au sol en forêt, pourquoi ne pas essayer de simplement étaler vos déchets alimentaires à la surface du bac ? Ils se décomposeront petit à petit.
Peu à peu, les plantes vont croître, se densifier, ombrager le sol, et probablement s’étaler un peu autour. Une vraie mini-forêt !
Maintenant, regardons comment ce design très simple reproduit effectivement le fonctionnement général de la forêt.
- Cycle du carbone
En apportant régulièrement des déchets végétaux, ou du compost, on stimule constamment le cycle du carbone. Cet apport maintient le sol humide, l’enrichit en minéraux, et nourrit les champignons, les micro-insectes et les vers.
Un apport constant de matière sur un sol humide. Parfait !
- Lumière
Le kale et la patate douce captent beaucoup de rayons du Soleil, y compris autour du bac. Mais le plant de tomate cerise n’est pas en reste ! Montant autour d’un tuteur, il capte la lumière très haut. Pendant que, plus bas, le basilic et le poireau perpétuel récupèrent les rayons qui n’auraient pas été captés.
Toute la lumière est captée, et le sol ombragé. Idéal !
- Diversité
Notre petit bac contient six plantes. Chacune d’elle appartient à une famille botanique différente. Les patates douces, le gingembre et le poireau perpétuel investissent le sol avec leurs racines et leurs rhizomes. Le plant de tomate et le kale s’occupe de l’espace aérien ! Chaque plante utilise les ressources différemment. Si un insecte s’installe sur une plante, les autres ne seront pas affectées. Certaines s’entraident même : protégé du Soleil par le plant de tomate, le basilic protège la tomate du mildiou.
Une diversité botanique, une diversité de forme, une meilleure résilience. Magnifique !
- Perturbations
Lorsque les feuilles de kale envahissent tout l’espace, on les mange. Lorsque les patates douces ou le gingembre sont prêts, on les déracine, on en replante un exemplaire, et on mange les autres. Lorsque le plant de tomate cesse de produire à la fin de l’automne, on le taille et on étale les tiges mortes à la surface du bac.
Le jardinier et la jardinière herbivores relancent continuellement la dynamique de l’écosystème. Super !
Les 6 plantes que nous vous proposons
- Gingembre rustique (ex. Zingiber mioga) — Zingibéracée, pérenne
- Poireau perpétuel — Amaryllidacées, pérenne
- Chou kale (ex. chou palmier ‘Noir de Toscane’) — Brassicacée, bisannuelle
- Patate douce — Convolvulacée, culitvée en annuelle en climat tempéré, mais la racine peut être replantée
- Basilic — Lamiacées, pérenne en climat chaud, cultivée en annuelle en climat tempéré, et les graines sont faciles à récupérer et semer
- Tomate cerise (ex. tomate ‘Indigo Blue Berry’) — Solanacée, annuelle, mais les graines sont faciles à récupérer et semer
Tenez-nous au courant de vos expérimentations pour mimer la forêt sur votre balcon !
Pour vous préparer, (re)découvrez le premier article et l’interview de Lenaïc sur la forêt comestible.
En février, on se retrouve pour observer tout cela pousser…
Et le 16 mars à 21h, on vous propose un live sur Youtube pour répondre à vos questions ! Vous souhaitez être informé de la date et de l’heure du live ? Abonnez-vous à notre newsletter, suivez Vibre-Magazine sur les réseaux sociaux : vous y trouverez toutes les informations concernant nos publications.
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